Peut-on vivre sans pancréas ? En France, environ 1500 pancréatectomies totales sont réalisées chaque année, principalement pour des cancers (65 % des cas) mais aussi pour des pancréatites chroniques sévères ou des traumatismes. Chaque intervention est un tournant radical dans la vie du patient. Découvrez comment vivre sans cet organe.
Sommaire
- Le pancréas, un organe aux fonctions vitales
- Pourquoi une ablation complète du pancréas peut être nécessaire
- Peut on vivre sans pancréas : La chirurgie de pancréatectomie totale
- Vivre au quotidien avec le diabète de type 3c
- Peut on vivre sans pancréas : Substitution enzymatique, une nécessité quotidienne
- Peut on vivre sans pancréas : Activité physique et loisirs
- Suivi médical multidisciplinaire
- Peut on vivre sans pancréas : La conclusion
Le pancréas, un organe aux fonctions vitales
Vivre sans pancréas : Anatomie pancréas et localisation du pancréas
Le pancréas est un organe allongé mesurant environ 15 centimètres. Sa forme évoque vaguement celle d’une langue avec une tête, un corps et une queue.
Où se trouve le pancréas dans le corps humain ? Situé dans la partie supérieure de l’abdomen, derrière l’estomac, il se niche discrètement entre la rate et le duodénum, premier segment de l’intestin grêle.
Le pancréas possède une position anatomique particulière qui le rend difficile d’accès, ce qui complique d’ailleurs souvent le diagnostic précoce des pathologies qui l’affectent. Il est traversé par d’importants vaisseaux sanguins et entretient des relations étroites avec les organes voisins.
Rôle du pancréas : Les fonctions endocrines essentielles
Le pancréas joue un rôle dans la régulation du taux de sucre sanguin. Cette fonction, dite endocrine, est assurée par les îlots de Langerhans qui ne représentent pourtant que 2 % de la masse de l’organe. Ces îlots produisent plusieurs hormones vitales, dont :
- L’insuline, sécrétée par les cellules bêta, qui fait baisser la glycémie en favorisant l’entrée du glucose dans les cellules
- Le glucagon, produit par les cellules alpha, qui augmente la glycémie quand celle-ci est trop basse.
D’autres cellules, comme les cellules delta, produisent également la somatostatine qui régule les sécrétions digestives. L’équilibre entre ces hormones assure une glycémie stable, généralement entre 0,8 et 1,2 g/L.
Pancréas peut on vivre sans : Fonctions digestives critiques
En parallèle, le pancréas assume un rôle digestif majeur qui représente 98 % de son activité. Il fabrique quotidiennement 1,5 à 2 litres de suc pancréatique contenant des enzymes indispensables à la digestion :
- Les amylases dégradent les glucides complexes
- Les lipases s’attaquent aux graisses
- Les protéases (trypsine, chymotrypsine) décomposent les protéines
Ces enzymes sont déversées dans le duodénum via le canal de Wirsung, où elles participent à transformer les aliments en nutriments assimilables. Sans elles, l’absorption des nutriments devient extrêmement difficile, voire impossible.
Pourquoi une ablation complète du pancréas peut être nécessaire
Cancer du pancréas et ses spécificités
Le cancer du pancréas est la principale cause de pancréatectomie totale. Avec environ 14 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en France et un taux de survie à 5 ans inférieur à 10%, cette maladie figure parmi les cancers les plus redoutables.
Il existe différents types de tumeurs pancréatiques, mais l’adénocarcinome canalaire reste le plus fréquent (85 % des cas). Malheureusement, ce cancer se révèle souvent tardivement, quand les symptômes deviennent perceptibles. À ce stade, la maladie a parfois déjà envahi l’ensemble de l’organe.
La décision d’une pancréatectomie totale intervient généralement dans ces contextes :
- Tumeurs multifocales touchant plusieurs régions du pancréas
- Cancers invasifs étendus à l’ensemble de la glande
- Récidives après pancréatectomie partielle
Dans certains cas, la chirurgie prophylactique peut être proposée aux personnes présentant un risque génétique extrêmement élevé de développer un cancer pancréatique. Cette décision, rare et délicate, fait l’objet d’une évaluation minutieuse par une équipe pluridisciplinaire.
Autres pathologies nécessitant l’ablation
Si le cancer est la cause majeure des pancréatectomies totales, d’autres conditions peuvent parfois nécessiter cette intervention radicale :
- La pancréatite chronique sévère, inflammation persistante du pancréas, peut provoquer des douleurs intolérables résistant aux traitements conventionnels. Après des années de souffrance et quand l’organe n’assure plus correctement ses fonctions, l’ablation peut être envisagée comme ultime recours.
- Plus rarement, certains traumatismes abdominaux graves (accidents de la route, blessures par arme blanche ou à feu) peuvent léser irrémédiablement le pancréas au point de nécessiter son retrait complet.
- Enfin, certaines tumeurs bénignes étendues ou les tumeurs kystiques multiples peuvent justifier cette chirurgie, particulièrement lorsqu’elles présentent un risque élevé de transformation maligne à terme.
Le processus de décision médicale
Avant d’envisager une pancréatectomie totale, l’équipe médicale procède à une évaluation minutieuse du rapport bénéfice-risque. Cette analyse complexe prend en compte l’état général du patient, son âge, ses comorbidités et l’étendue de la pathologie pancréatique.
Les décisions sont rarement prises par un médecin isolé. En réalité, c’est lors de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) que les différents spécialistes, chirurgiens, oncologues, radiologues, endocrinologues, examinent ensemble chaque dossier pour déterminer la stratégie optimale.
La préparation du patient est ensuite une étape fondamentale. Elle combine information détaillée, soutien psychologique et parfois traitement préopératoire (chimiothérapie néoadjuvante dans certains cas de cancer).
Peut on vivre sans pancréas : La chirurgie de pancréatectomie totale
Techniques chirurgicales modernes
L’ablation complète du pancréas est une intervention chirurgicale d’une durée moyenne de 4 à 6 heures. Elle nécessite une ouverture large de l’abdomen (laparotomie) permettant au chirurgien d’accéder à cet organe profond.
La technique standard implique plusieurs étapes délicates :
- Section des attaches du pancréas aux structures avoisinantes
- Préservation méticuleuse des vaisseaux sanguins majeurs
- Reconstruction du tractus digestif après l’ablation
Aujourd’hui, certains centres médicaux proposent des approches mini-invasives pour des cas sélectionnés. La chirurgie robotique, par exemple, permet d’effectuer des gestes d’une précision remarquable tout en réduisant l’impact traumatique.
Ablation pancréas : Risques opératoires et complications immédiates
Malgré les progrès, cette intervention reste associée à des risques significatifs. La mortalité opératoire, aujourd’hui inférieure à 5 %, demeure plus élevée que pour d’autres chirurgies digestives.
Les complications les plus fréquentes comprennent :
- Fistules digestives : Fuites au niveau des sutures pouvant nécessiter une reprise chirurgicale
- Hémorragies : Saignements parfois importants requérant des transfusions
- Infections : Notamment des abcès intra-abdominaux
Pour minimiser ces risques, les équipes médicales mettent en place des protocoles de surveillance intensive et des mesures préventives personnalisées.
Période post-opératoire immédiate
Les premiers jours suivant l’opération se déroulent généralement en unité de soins intensifs. Cette phase critique mobilise une équipe pluridisciplinaire assurant une surveillance continue des constantes vitales et la détection précoce d’éventuelles complications :
- Gestion de bouleversements métaboliques brutaux : L’absence soudaine d’insuline endogène impose la mise en place immédiate d’une insulinothérapie intraveineuse adaptée, avec un monitoring glycémique rigoureux toutes les 2 à 4 heures.
- Parallèlement, l’éducation thérapeutique du patient et de son entourage débute dès cette période. Les infirmières spécialisées entament progressivement l’apprentissage des injections d’insuline, la reconnaissance des signes d’hypoglycémie et les bases de l’alimentation adaptée.
Convalescence après opération du pancréas :
La convalescence après une opération du pancréas varie généralement de plusieurs semaines à plusieurs mois, selon le type d’intervention et l’état général du patient. Le rétablissement complet demande souvent du repos, un suivi médical régulier et parfois une adaptation de l’alimentation.
Vivre au quotidien avec le diabète de type 3c
Spécificités du diabète pancréatoprive
Le diabète consécutif à une pancréatectomie totale, appelé diabète de type 3c ou pancréatoprive, présente des caractéristiques qui le distinguent nettement des diabètes plus courants (types 1 et 2).
Sa principale particularité réside dans son extrême instabilité. L’absence totale de sécrétion d’insuline se combine à la disparition d’autres hormones régulatrices comme le glucagon, créant des fluctuations glycémiques parfois imprévisibles. De plus, les mécanismes de contre-régulation face aux hypoglycémies sont gravement altérés.
Les patients décrivent souvent ce diabète comme « sauvage » ou « ingérable » durant les premiers mois. Certains vivent des oscillations rapides entre hyperglycémies sévères et hypoglycémies dangereuses, parfois plusieurs fois par jour.
Peut on vivre sans pancréas : Traitements insuliniques adaptés
La gestion de ce diabète particulier repose sur des schémas d’insulinothérapie spécifiques, généralement plus complexes que pour les autres formes de diabète.
Le protocole standard associe :
- Une insuline basale (glargine, dégludec) assurant un niveau minimal d’insuline sur 24h
- Des insulines rapides (lispro, aspart) avant chaque repas, avec des doses calculées selon la composition glucidique.
Les technologies avancées comme les pompes à insuline sont souvent une solution privilégiée. Ces dispositifs, administrant l’insuline en continu avec des débits modulables, s’adaptent aux besoins variables du patient. Les modèles récents, couplés à des capteurs de glucose en continu, peuvent même anticiper les tendances glycémiques et ajuster automatiquement les doses.
Vivre sans pancréas : Surveillance et gestion des hypoglycémies
L’hypoglycémie est probablement la complication la plus redoutée après pancréatectomie totale. Sans glucagon pour contrebalancer naturellement les chutes de glycémie, le risque d’épisodes sévères augmente considérablement.
Reconnaître précocement les signes d’alerte devient vital : sueurs, tremblements, vision trouble, confusion. Malheureusement, certains patients développent une insensibilité à ces symptômes, rendant la situation particulièrement périlleuse.
Les mesures d’urgence incluent la consommation immédiate de 15 à 20 g de sucres rapides (jus de fruits, comprimés de glucose) suivie d’un contrôle glycémique après 15 minutes. Pour les cas graves, l’entourage doit être formé à l’utilisation du glucagon injectable ou en spray nasal.
Peut on vivre sans pancréas : Substitution enzymatique, une nécessité quotidienne
Gastrointestinales enzymes : Enzymes pancréatiques de substitution
Parallèlement au diabète, l’absence d’enzymes digestives impose un traitement substitutif à vie. Des préparations pharmaceutiques contenant lipases, amylases et protéases d’origine animale (généralement porcine) doivent être prises avec chaque repas et collation. Ces médicaments se présentent sous forme de gélules gastrorésistantes contenant des microgranules. Ce conditionnement sophistiqué protège les enzymes de l’acidité gastrique pour les libérer uniquement dans l’intestin, là où elles doivent agir. Le dosage initial standard se situe entre 25 000 et 50 000 unités de lipase par repas principal, mais nécessite souvent des ajustements personnalisés selon la tolérance digestive, le poids corporel et la composition des repas. Dans certains cas, il faut augmenter progressivement les doses pour atteindre l’efficacité optimale.Nutrition adaptée et absorption des nutriments
Après une pancréatectomie totale, l’alimentation devient un véritable pilier thérapeutique. Il ne s’agit plus simplement de manger, mais d’adopter une approche méthodique pour maintenir un équilibre nutritionnel correct. La plupart des patients bénéficient d’un régime fractionné avec 6 à 8 petites prises alimentaires quotidiennes. Cette méthode permet de réduire la charge digestive à chaque repas et facilite l’action des enzymes de substitution. Sur le plan qualitatif, quelques principes s’imposent :- Privilégier les protéines de haute valeur biologique (viandes maigres, poissons, œufs)
- Contrôler les apports en graisses sans les supprimer totalement
- Répartir les glucides complexes sur l’ensemble des repas.
Chirurgie pancréas : Suivi des carences et ajustements thérapeutiques
La vie sans pancréas implique une surveillance biologique régulière. Tous les 3 à 6 mois, un bilan complet permet d’identifier d’éventuelles carences nutritionnelles avant qu’elles ne deviennent symptomatiques. Les signes de malabsorption ne doivent jamais être négligés : selles graisseuses, perte de poids inexpliquée, fatigue persistante… Ces manifestations suggèrent souvent un ajustement nécessaire du traitement enzymatique. Dans certains cas, la dose d’enzymes doit être augmentée progressivement jusqu’à normalisation de l’absorption. Des patients nécessitent parfois jusqu’à 100 000 unités de lipase par repas principal, bien au-delà des doses initiales standard.Espérance de vie sans pancréas ?
Elle dépend grandement de la raison ayant conduit à l’intervention. Pour les pancréatectomies réalisées en raison d’un cancer, le pronostic est lié à l’évolution de la maladie cancéreuse. En l’absence de récidive ou pour les pancréatectomies d’autres causes, l’espérance de vie peut être proche de la normale avec un suivi médical approprié.Peut on vivre sans pancréas : Activité physique et loisirs
Contrairement à certaines idées reçues, l’activité physique reste non seulement possible mais vivement recommandée après une pancréatectomie totale. Elle contribue à améliorer la sensibilité à l’insuline et favorise un meilleur équilibre glycémique.
Quelques précautions s’imposent néanmoins :
- Contrôler sa glycémie avant, parfois pendant, et après l’effort
- Adapter les doses d’insuline en fonction de l’intensité prévue
- Toujours avoir du sucre rapide à disposition
Les sports d’endurance modérée comme la marche, la natation ou le vélo sont généralement bien tolérés et bénéfiques. En revanche, les activités à haute intensité ou les sports extrêmes nécessitent une préparation plus minutieuse et parfois l’avis préalable de l’équipe soignante.
Suivi médical multidisciplinaire
L’équipe de soins spécialisée
Vivre sans pancréas implique un suivi médical coordonné où chaque spécialiste joue un rôle complémentaire. Au cœur de ce dispositif, l’endocrinologue assure généralement la supervision de l’équilibre glycémique et l’ajustement des protocoles insuliniques.
Le diététicien ou nutritionniste intervient régulièrement pour adapter les recommandations alimentaires en fonction de l’évolution des besoins et des difficultés rencontrées. Son expertise est particulièrement précieuse lors des changements d’activité ou de traitement.
Le soutien psychologique, qu’il soit formalisé par un professionnel ou relayé par des associations de patients, est un élément fondamental mais parfois négligé du parcours de soins. Il permet d’aborder les phases de découragement, fréquentes dans la gestion d’une maladie chronique aussi exigeante.
Calendrier de surveillance recommandé
Un suivi structuré s’impose pour prévenir les complications et optimiser la qualité de vie. Typiquement, le calendrier suivant est proposé :
- Consultations endocrinologiques: tous les 3 mois la première année, puis tous les 4-6 mois
- Bilans biologiques complets: tous les 3-6 mois (glycémie à jeun, HbA1c, fonction rénale, bilan lipidique, dosage des vitamines)
- Évaluations nutritionnelles: tous les 6 mois ou en cas de perte de poids
Certains symptômes justifient une consultation urgente : hypoglycémies sévères répétées, signes infectieux, déshydratation, douleurs abdominales inhabituelles ou modification brutale du transit intestinal.
Peut on vivre sans pancréas : La conclusion
Vivre sans pancréas bouleverse profondément les habitudes de vie. La gestion simultanée d’un diabète complexe et d’une insuffisance pancréatique exocrine impose une vigilance constante et une discipline rigoureuse.
Pourtant, les progrès thérapeutiques des dernières décennies ont amélioré le pronostic et la qualité de vie des patients concernés. Les technologies avancées comme les pompes à insuline connectées, les systèmes de surveillance continue du glucose et les enzymes digestives hautement purifiées permettent aujourd’hui une adaptation réussie pour la grande majorité des personnes.
Le soutien psychologique et l’accompagnement par une équipe médicale spécialisée jouent un rôle déterminant dans cette réadaptation. Au-delà des aspects purement techniques, c’est souvent la qualité de cette relation thérapeutique qui fait la différence dans le parcours du patient.


